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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 10:03

 

Et si le mode de vie des monastères permettait de résoudre quelques soucis de gestion des ressources humaines de la hiérarchie catholique ?

Il est un domaine dans lequel l’Église catholique romaine est mal placée pour donner des leçons : la démocratie interne. Nous ne reviendrons pas ici sur l'essence divine de l’Église qui place toutes les décisions de choix de personnes sous la responsabilité de l'Esprit, lequel ne saurait se tromper. Le jésuite Paul Valadier a autrefois très bien abordé la question dans un article d’Études en février 1998 . Seuls les évêques (pour les conciles) et les cardinaux (à l'occasion des conclaves) peuvent exprimer un choix majoritaire. Ordinairement le pape, les évêques et les curés sont maîtres chez eux, ne rendant des comptes qu'au dessus d'eux, jamais en dessous

Et pourtant. Tous les historiens sérieux affirment que l'élection au suffrage universel a été instituée par les moines. Souvent citée comme pionnière, la démocratie grecque excluait les femmes, les esclaves et les étrangers. Depuis plus d'un millénaire, dans les couvents et monastères, à l'heure d'élire l'abbé ou le prieur, chaque voix compte. Et la sagesse du groupe ne met apparemment pas en cause la bienveillance de l'Esprit qui guide chacun dans la prière.

Dans le cadre de sa série estivale « Dans le silence des abbayes », Pèlerin magazine du 7 juillet fait découvrir à ses lecteurs l'abbaye cistercienne d'Aiguebelle. Dans les portraits des figures majeures du lieu, une réalité étonne : le Père abbé et le prieur, les deux chefs, affichent respectivement 47 et 42 ans. Contrairement à la hiérarchie ecclésiale, et à nombre de structures profanes (1), l'ancienneté n'est pas pas privilégiée pour assumer un poste important. Faut-il s'en étonner, les moines ont choisi des responsables dans la force de l'âge, ni usés, ni aigris, pleinement en phase avec leur époque.

Il faut dire, autre spécificité monastique, que les mandats sont temporaires, et que dans la vie religieuse, une fonction n'engage pas dans une carrière laquelle ne saurait qu'être ascendante. Il est tout à fait normal de redevenir un moine lambdaaprès avoir été le berger du groupe, et un ancien abbé s'accommode fort bien de retourner en cuisine, une fois sa tâche achevée.

Fort de la grâce de l'ordination, un évêque au contraire ne se verra jamais plus confié un rôle de simple prêtre. S'il reçoit la mitre à 45 ans, il ne pourra durant les 30 ans de sa vie active que stagner ou grimper dans la hiérarchie, quelles que soient ses capacités ou ses envies. Aussi les erreurs de casting du Saint-Siège - la Congrégation pour les évêques - sont redoutables, car sans issue satisfaisante. Ainsi, en France, un évêque, jeune encore, occupe actuellement des fonctions de curé, tout en gardant son rang épiscopal. Une situation qui ne doit être agréable ni pour lui, ni pour ses collaborateurs. La sagesse monastique aurait dû nous prémunir de ces soucis.

Longtemps jalouse du prestige des moines - au point que les prêtres ont souhaité se faire appeler « Abbé » - , la hiérarchie « ordinaire » de l’Église n'a jamais cru bon d'en adopter les coutumes démocratiques. On peut le regretter. Cela aurait rendu l'institution catholique plus humaine, plus en phase avec la réalité d'aujourd'hui, et, sans doute, plus efficace. Sauf à défendre que ce dernier caractère relève à 100 % du Très-Haut et que le travail des créatures que nous sommes ne compte pour rien.

(1) On pense bien sûr en premier lieu au monde politique.


 

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  • : Philippe Clanché, journaliste religieux, collaborateur de Nouvelle Cité, Témoignage chrétien, Réforme ou La Vie. Au menu : émergence d'un catholicisme ouvert, décoincé et qui puisse parler à notre temps. Bon appétit. On peut me suivre sur Twitter : @pclanche
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