* Benoît XVI a réussi le rêve de tout personnage illustre : lire sa nécrologie. Prise de court, la presse a sorti des tiroirs les textes prévus en cas de décès du pontife. Ce qui a permis de
publier une dizaine de pages en quelques heures, avec une toute petite partie de produits frais.
* Mille mercis au pape. L’événement fait sortir quelques jours le monde catholique français de la guerre inlassable menée par Frigide Barjot et consorts. Hélas, dès mardi, jour du vote en
première lecture à l'Assemblée du texte ouvrant le mariage aux homosexuels, des tweets réapparaissaient pour mobiliser les anti-loi. Puisse le conclave éclipser la énième manif prévue le 24 mars,
jour des Rameaux.
* Le coup de génie de Benoît XVI a redonné vie à ce que lui-même apprécie peu : le culte de la personnalité. On peut comprendre la réaction spontanée des cardinaux en apprenant la nouvelle,
et le lyrisme sincère du cardinal Sodano, leur doyen. Mais que dire de l'exclamation scandée « Que ce pape est grand » du P. Bernard Podvin,
porte-parole des évêques français !
* « On s'en doutait ». Il est amusant de lire les spécialistes (comme Dominique Greiner dans l'éditorial de La Croix, mardi 12) expliquant, après coup, tous les signes avant-coureurs de la décision papale : deux
vagues de nomination de cardinaux pour se rapprocher du chiffre de 120, absence de voyages à l'agenda hormis les incontournables JMJ de Rio en août... Personne ne croyait que cette démission
surviendrait et personne ne l'avait écrit.
* Les responsables d’Église et observateurs obséquieux avaient loué le courage et l'abnégation de Jean Paul II pendant sa pénible agonie. Sept ans plus tard, les mêmes s'émerveillent devant le
choix strictement inverse de son successeur. Serait-ce une lecture (erronée) de l'infaillibilité pontificale ?
* Le jeu médiatique est ainsi fait qu'il a fallu en quelques heures se remettre d'un geste historique, le commenter, raconter la vie du pape sortant et donner les enjeux de son élection. Le
bilan, le vrai, du septennat devra être fait. Et il faudra vite retomber du nuage hagiographique pour regarder, sereinement, succès et échecs, actions et inactions. De grâce, pas de santo
subito !
* « Le geste qui change l’Église », titrait Le Monde, lundi soir. Désormais donc, pour qu'une institution évolue, il suffit que le patron rende son tablier. Certes
l'exercice du pouvoir papal ne serait plus jamais le même. Mais, le Vatican n'étant pas l’Église, cela ne change en rien la crise globale du catholicisme actuelle. On peut lire ce départ du pape
comme un aveux de l'impossibilité de gérer un système, non comme une amorce de solution. Il faudra donc attendre quelques années avant de savoir si la prédiction du Monde était juste.