Après l'année agitée vécue par les catholiques de France, il est utile d'écouter les sages. Mgr Claude Dagens est de ceux là. De son diocèse d'Angoulême où il finira sans doute une carrière épiscopale que beaucoup imaginaient plus flamboyante, et depuis l'Académie français où il est le prélat de service, il fait entendre sa petite voix sans se soucier des vents dominants. Le normalien de l'épiscopat est toujours très écouté, comme l'a montré l'écho de Il y pointait la tentation du retour du catholicisme intransigeant, au plus fort des affrontements verbaux entre la Manif pour tous et le gouvernement.
Mgr Dagens a publié le 14 septembre une au titre interpellant : « ». Dans cet appel, qui vaut largement hors des frontières de diocèse d'Angoulême, on comprend vite que le réveil auquel il exhorte les fidèles ne correspond pas tout à fait à la mobilisation du printemps dernier.
«Si l'on me demande aujourd'hui : « À quoi devons-nous résister pour être chrétiens dans une société qui n'est plus chrétienne ? » , je répondrai sans hésiter : à cette logique faite à la fois de résignation et d'agressivité, qui n'évalue la présence catholique dans notre société qu'en termes de résultats chiffrés ou de manifestations publiques. »
Et l'évêque de préciser: « Car ces deux attitudes vont ensemble : d'un côté, on se lamente en disant que les églises sont vides, que les pratiquants sont de moins en moins nombreux, que les prêtres disparaissent et que la foi se perd, mais, d'un autre côté, on rêve de reconquêtes politiques et l'on identifie le catholicisme français à sa capacité de résistance aux lois de la République ».
Histoire de désamorcer tout procès en trahison de la solidarité épiscopale, Mgr Dagens explique pourquoi il s'est opposé à la loi Taubira. Après quoi, il déplore le discours tenu par certains au sein de son Église.
«Je suis préoccupé quand je vois des jeunes et des adultes qui se disent catholiques s'imaginer que leur identité catholique se réduirait à leur opposition à l'État laïque. J'ai appris de René Rémond et d'Émile Poulat, ces grands historiens du catholicisme en France, qu'il faut accepter des relations à trois termes : l'Église, l'État laïque et la société. Et qu'il nous faut apprendre non seulement à nous situer par rapport à l'État laïque, mais surtout à être présents à l'intérieur de notre société qui n'est plus chrétienne, et qui est devenue à la fois fragile et dure. En raison de cette exigence primordiale de présence à l'intérieur de notre société (et non pas à l'extérieur), je dis non aux stratégies défensives ou offensives, à ces appels à la résistance qui ne peuvent que créer des illusions, même s'ils sont enrobés d'appels à la prière ! ».
Nombre de prélats sont sans doute aujourd'hui sur cette ligne, mais sans oser l'exprimer. Leur confrère d'Angoulême, détesté par l'aile identitaire et par les défenseurs de la tradition, ne s'émeut plus à chaque lettre de dénonciation envoyée à Rome par des « vrais catholiques ».
Mgr Dagens ne fait ici que redire à quelle condition une parole catholique peut être recevable et audible partout. Parler avec les autorités nationales est une nécessité et les canaux de dialogue se sont multipliés ces dernières années entre l'épiscopat, le Ministère de l'intérieur et l'Élysée. Même si dans le dossier présent, chacun est resté sur sa position initiale.
Mais pour l'évêque d'Angoulême, qui lance en slogan «Non aux clubs catholiques ! Oui à l'initiation chrétienne !», l'essentiel est d'être présent avec pertinence au cœur de la société. Il organise cette «pastorale ordinaire » en trois chapitres: «la pastorale de la vie, avec le sacrement de la vie nouvelle, le baptême ; la pastorale de l'amour humain, avec la préparation au mariage, et aussi l'accompagnement des personnes divorcées ou des personnes homosexuelles ; la pastorale de la mort, avec l'accompagnement du deuil.»
Pour lui , c'est bien ici que se joue la transmission du message évangélique. C'est là qu'il ne faut pas se rater. « Nous sommes tous appelés, évêques, prêtres, diacres, laïcs, peuple de baptisés, à être, dans notre société incertaine, non pas des gens qui imposeraient leurs croyances, mais des hommes et des femmes qui se tiennent sur ce terrain de notre humanité commune pour y témoigner de la Vérité et de la bonté de Dieu !»
Un appel qui consonne davantage avec la petite musique du Pape qu'avec certains propos de catholiques français, confondant leurs convictions avec le projet commun.