Dans toutes les administrations occidentales, un patron arrive avec ses équipes et les personnages clés qui entouraient son prédécesseur sont priés de faire leur bagage illico presto. Rien de tout cela dans les salons du Saint-Siège où l'habit d'archevêque et encore plus de cardinal garantit de hautes fonctions jusqu'à 75 ans, voir plus.
Au Vatican, on ne congédie pas un cardinal de la Sainte-Église comme un vulgaire énarque chef de cabinet. L'élu sur le Siège de Pierre doit composer avec ceux que le pontife précédent a mis en place. C'est ainsi, on l'a vu dans mon dernier post (à relire ici), que le cardinal Müller demeure en charge de la doctrine de la foi, malgré certaines divergences de vue avec le pape.
Un autre personnage central est aujourd'hui en tension avec son patron : Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques. Le cardinal québécois est en charge des nominations épiscopales dans tous les pays anciennement chrétiens (1). Ses services proposent, pour chaque poste à pourvoir, trois noms au pape. Lequel est seul habilité à nommer des évêques.
D'après le journaliste québécois Alain Prokin, cité dans le Journal de Montréal du 18 avril (lire ici), les candidatures mises au panier par François seraient de plus en plus fréquentes. Pour des postes importants – Chicago, Madrid ou Sydney -, les poulains de Ouellet n'ont pas été retenus. J'avais écrit un post sur la nomination suprrise de Blase Cupich à Chicago en 2014 (voir ici).
Marc Ouellet, souvent cité lors du conclave de 2013, avait une image de conservateur comme archevêque de Québec entre 2003 et 2010. Celle-ci s'est confirmée à Rome, quand Benoit XVI l'a nommé en 2010 à la tête de la puissance congrégation.
Le journaliste québécois s'interroge même sur l'avenir du prélat dans cette fonction. A quoi bon pour le pape s'astreindre à travailler avec une personne à qui il ne fait plus confiance pour les choix de nomination ? Mais alors, que faire de ce cardinal trop jeune (71 ans) pour être mis à la retraite (75 ans) ?
Le système hiérarchique est ici prise en faute et on rêverait du modèle des communautés religieuses. Les supérieur(e)s retournent dans le rang leur mandat effectué. L'ancien patron des jésuites d'Argentine (1973-1980) redevenu simple prêtre ensuite en sait quelque chose.
Pour l'heure, seul l'ultra conservateur cardinal Raymond Burke (voir ici sa fiche wikipedia) a été clairement mis au placard. Titulaire du poste prestigieux de Préfet du tribunal suprême de la Signature apostolique, ce prélat étatsunien a été « promu » en 2014 patron de l'Ordre souverain militaire de Malte par le pape argentin.
S'il veut continuer à avancer, le pape devra se séparer, avec diplomatie, des hauts responsables du Saint-Siège qui ne se situent pas dans sa dynamique. Sans quoi, les évolutions qu'il veut mettre en œuvre risquent la paralysie.
(1) Les pays de mission relèvent de la congrégation pour l'évangélisation des peuples.