Certains chrétiens ont besoin de crier leur foi. Quand ils disposent d'une surface médiatique importante, tout est possible. Ainsi, la chanteuse Michèle Torr, inoubliable interprète du tube
« Emmène-moi danser ce soir », croit en Dieu et en Jésus-Christ.
Nous nous en réjouissons pour elle. Mais était-il nécessaire de l'exprimer à travers un CD entier, intitulé « Chanter, c'est prier » (1), chez SonyMusic ? La réponse,
vous l'avez deviné, est négative. Pour des raisons esthétiques, non religieuses.
On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments, parait-il. Pour autant, il est possible de réaliser de la musique audible avec ses convictions. À condition de faire un minimum
d'effort.
Hélas, la star s'appuie sur des textes d'une niaiserie confondante, et sur des rimes risibles, si elles étaient au second degré.
La chanson initiale (dont on peut voir ici une version live, qui donne son nom au pensum et dont le texte est de la propre main de la
chanteuse, fournit une petite idée du projet,
Ce n'est pas une messe
Rien de plus que ma promesse
Mais comme on prie
Je chante en plein ciel
Je rêve, m'envole à tire d'aile
Ce n'est pas un amen, encore moins un baptême
Pas un alléluia, juste un je t'aime
Celles et ceux qui auront le courage d'aller plus loin pourront apprécier les œuvres de l’insubmersible Didier Barbelivien. Il a mis en musique un Notre Père surréaliste (ici le clip kitchissime), que la blonde exécute (sic) avec Claude Barzotti pour la traduction simultanée en italien.
Barbelivien a aussi écrit et composé pour Michèle Torr un Je crois en toi tout aussi pathétique, avec des rimes dignes d'un atelier poésie au collège.
Moi je crois en toi, en toi sur ta croix
les enfants dessinent des signes de croix
et je crois en toi, en toi sur ta croix
Fils de Dieu sublime, crucifié pourquoi
Entendez chaque Croix, avec une dizaine de rrr roulés à la Mireille Matthieu des grands jours. Imaginez une voix affectée et grandiloquente pour chansons d'amour sirupeuses. Ce
registre qui lui a valu cette belle carrière auprès de la gent féminine.
Le tout avec une orchestration sans finesse, mêlant orgue Bontempi et batterie de bal populaire.
On ajoutera au tableau la reprise d'un standard de la comédie musicale Les dix commandements signé Pascal Obispo, ou une adaptation d'Amazing grace qui ferait sursauter n'importe quelle
chorale de quartier.
Bref, un cadeau de Noël à éviter absolument. Sauf pour quelqu'un dont on souhaite honorer le mauvais goût musical ou le douzième degrés.
Quitte à faire dans la musique kitsch, autant investir dans le dernier opus du chef et violoniste batave André Rieu, finement intitulé Joyeux Noël (Polydor). C'est propre, sans
originalité aucune. Mais on rit moins qu'avec les épanchements spirituels de Michèle Torr.
(1) Seule un conscience professionnelle admirable m'a fait aller au bout de ce CD reçu en service de presse.