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24 août 2011 3 24 /08 /août /2011 10:50

 


En préférant les protestataires aux jeunes, une certaine presse est passé à côté du rassemblement madrilène.

 

Dans le bilan des JMJ de Madrid, se dégagent plusieurs vainqueurs. Les organisateurs ont réuni la foule attendue et tout le monde reconnaît la bonne tenue de la rencontre et la satisfaction des jeunes. Le pape maîtrise de mieux en mieux ces bains de foules estivaux et a esquivé avec finesse les dossiers qui fâchent entre le gouvernement espagnol et l’Église nationale. Quant aux « méchants » laïcs, ils ont réussi à faire entendre leur petite voix et ont profité de la caisse de résonance de l'événement au-delà de leurs espérances. Il sera temps demain de voir si l'édition 2011 des JMJ profite à l’Église catholique et pour quel projet.

 

Du côté des perdants, un groupe apparaît, et ce n'est pas une première en pareil cas : la caste des journalistes. On ne parlera pas ici de la presse catholique très mobilisée - 6 reporters pour La Croix  - et qui a fait son travail. Leurs collègues de la presse non-religieuse ont globalement failli. Journaux, radios, télés et agences (exemple avec l'AFP) ont relayé de manière surréaliste les manifestations d'opposants à la venue du pape. Comment peut-on braquer ses caméras sur une souris lorsqu'on fait face à une horde d'éléphants ? Les raisons sont plurielles.

 

1-L'incompétence

Dans nombre de rédactions, aucun journaliste n'est spécialisé dans le fait religieux (1). Personne ne prépare, personne ne se forme et, à l'arrivée, personne ne comprend le phénomène social, complexe certes, mais majeur du religieux. On sait expliquer en long et en large la crise financière ou les subtilités du système judiciaire américain jugeant DSK. On a droit à des duos de sommités à chaque match de foot. Mais un journaliste capable d'expliquer ce qui pousse un jeune de 22 ans à partir 15 jours en Espagne pour prier et affermir sa foi avec des collègues du monde entier, point. A fortiori en août.

 

Du coup, les rédactions se sont contentées des dépêches de l'AFP, écrites par le journaliste de service, qui ne fait pas toujours la différence entre une mitre et un képi. Du coup, ressortent les bons vieux poncifs : les JMJ coûtent de l'argent public (à un pays ruiné) et blesse la laïcité (sujet que 2 % des journalistes comprennent dans le contexte français, alors en Espagne)... Et quand un grain de sable fait grincer l'organisation, les rédacteurs en chef flairent l'aubaine. Voici comment la manif de laïcs, apparemment facile à comprendre, passe de l'encadré de bas de page au titre principal. Et dans les flash radios, il n'est plus question que des slogans antipapes. Au final, le lecteur-auditeur n'est pas plus avancé sur les motivations spirituelles des JMJistes.

 

2-L'attrait du neuf

Les JMJ sont devenues dans le jargon professionnel un « marronnier ». Organisé tous les deux ans, ce genre d’événement tant à devenir routinier. Comme la production de muguet le 1er mai ou les embouteillages le 13 juillet au soir, il faut en parler mais le sujet n'excite guère l'appétit de nouveauté de la presse. Aussi, l'idée de voir des foules (pourtant considérables) autour du pape a pu paraître à certains comme un non-événement, du déjà-vu. A condition de ne pas se poser trop de questions sur un phénomène pourtant singulier à l'heure de la fin des appartenances et de la désertion des lieux de cultes par les jeunes générations...

 

Des pancartes « Non au pape » ont réveillé l'attrait du scandale et permis de « traiter le sujet »... en passant à côté. Et l'on retrouve un grand principe de la presse : un train qui déraille sera toujours plus attirant que si il était arrivé à l'heure ou les efforts de la SNCF pour la ponctualité.

 

3-La mauvaise foi

Brocarder le pape est un sport très pratiqué dans les rédactions. Quoi qu'il dise ou fasse - et Dieu sait qu'il a souvent dit ou fait des bêtises -, il est de bon ton de critiquer Benoît XVI, chef d'une tribu hautement ringarde. On peut comprendre que l’exégèse des encycliques soit un genre un peu ardu à l'heure du roi twitter. Mais sur la question du financement de la fête madrilène, il y avait mieux à faire que de relayer – sans enquêter – les propos des opposants. Quoi que les organisateurs aient pu dire et répéter sur le financement de la rencontre, assuré par la participation des jeunes et le mécénat. Est-il vraiment scandaleux que les jeunes catholiques aient occupé durant une semaine l'espace public de la capitale espagnole, bénéficiant réductions sur les tickets de métros ?

 

Jamais la presse ne fera le même reproche aux communes de notre hexagone qui se saignent pour accueillir l'arrivée ou le départ d'une étape de Tour de France, en bloquant toute la ville. Le passage de 200 coureurs et des milliers de suiveurs ne fait pourtant pas plus l'unanimité qu'un rassemblement religieux.

 

Quant aux indignados, leur ennemi n'a jamais été le pape ou les JMJ mais les choix budgétaires d'un gouvernement. Le désarroi de la jeunesse espagnole mérite le respect et le pape a évoqué la question dans l'avion vers Madrid.

Ne pas faire le distinguo entre leur combat et celui des militants d'une laïcité (conflictuelle en Espagne) relève de la faute professionnelle. Mais quand on peut « taper » sur le pape, on ne s'arrête pas à ces subtilités.

 

En d'autres temps, nous aurions développé dans un tel exposé un joli chapitre sur l'incompétence légendaire de l’Église catholique à communiquer auprès des médias. On ne fournira pas ici cette excuse à l'indigence journalistique. Car le bureau de presse mis en place par l’Église de France était bien en place, avant et pendant les JMJ, sur internet comme à Madrid, pour aider les reporters à raconter ce qui se passait et non les à-côtés. Des efforts mal récompensés.

 

Bien sûr, les médias ici en cause ont peu apprécié ces critiques. Invité par Europe 1 lundi 22 août  (2) pour évoquer la « paranoïa des cathos », le blogueur Koz a pu apprécier, à ses dépens, l'agressivité d'interlocuteurs dont la bêtise n'avait d'égal que l'incompétence. Ne pas laisser parler plus de deux phrases le dépositaire d'une idée n'est, hélas, plus l'apanage des talk-show télévisés de Ruquier et compagnie...

 

 

  1. Notamment pour les radios et les télés. La presse écrite parisienne – Le Figaro, Le Monde, Le Parisien – conserve dans ses rangs un(e) spécialiste (par toujours à temps plein) capable d'éviter de telle dérive.

  2. Le sujet occupe le dernier quart d'heure de l'émission.

 

 

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18 août 2011 4 18 /08 /août /2011 14:12

 

Tout à l'euphorie des JMJ, le journaliste Jean-Marie Guénois nous convie à l'enterrement d'un courant d'Église absent du rendez-vous madrilène. Avec quelques raccourcis...

 

Rendons grâce à La Vie. Grâce à l'étude publiée dans son édition du 4 août, on connaît le profil des dizaines de milliers de jeunes Français participants aux JMJ de Madrid. Et surtout, on peut affirmer ce que tous les observateurs disaient sous cape de cette génération. Ils sont issus des classes supérieures et engagés dans des études longues, s'affirment bien plus catholiques que chrétiens, sont très pieux (88% participent à la messe au moins une fois par mois) et n'ont pas d'état d'âme avec les positions catholiques en matière de sexualité.

 

Et surtout, tenez-vous bien, ils sont de droite !  41% se disent proche de la « droite » (sans plus de précisions, on citera l'UMP et ses satellites crypto-centristes et boutinistes), 6 % de l'extrême droite, 10 % du centre. Restent des miettes pour l'autre bord : 7% pour la « gauche » (qui doit correspondre au PS), 6% pour les écologistes et 1% pour l'extrême-gauche. Un échantillon dont Sarkozy n'oserait pas rêver.

 

Dans le même temps, ils sont 74% à apprécier les positions sociales de l'Église (immigration, pauvreté...), ce qui paraît incompatible avec leurs préférences politiques... « Quand j'aide les pauvres, on m'appelle un saint.Quand je demande pourquoi ils sont pauvres,on me traite de communiste! », disait Dom Helder Camara, dont beaucoup de nos JMJistes ignorent sans doute l'existence.


De cette enquête, le journaliste Jean-Marie Guénois tire sur son blog publié par le site du Figaro son employeur, une conclusion originale : « La fin annoncée des cathos de gauche » . Belle performance que d'extrapoler sur l'ensemble des catholiques d'un pays à parti d'un échantillon, certes d'élite, de 18-30 ans, cohorte rarement majoritaire dans les églises.

 

« Certains vont crier au retour de l'identitaire, au conservatisme », feint de s'inquiéter le blogueur. Pour qu'il y ait retour, il eût fallu que le phénomène ait disparu. Or il y a bien longtemps que cette posture « identitaire » est présente et qu'elle est majoritaire, principalement chez les jeunes prêtres et les jeunes fidèles. Et les « certains » vont exprimer des interrogations sûrement, de l'inquiétude sans doute, mais pas de surprise.

 

Comme, semble-t-il, il n'existe rien en dehors des JMJ, cette enquête « indique les contours du catholicisme de demain en France ». Les cathos de gauche, que Jean-Marie Guénois ne porte pas dans son cœur, ont droit à un portrait peu ragoutant. « Le catholicisme de gauche et progressiste a des cheveux blancs. Il est plutôt concentré aujourd'hui chez les aînés de l'Église de France quand il n'a pas quitté les rangs pour s'engager franchement en politique ou dans le syndicalisme. Surtout, il n'a que peu d'hérédité. Ces JMJ permettent d'en entrevoir non pas sa fin, mais la fin de son influence décisive. Elle fut dominante dans l'intelligentsia de l'Église de notre pays depuis les années 70. » « 

 

On partage le constat global sur les chiffres et le poids du catholicisme progressiste français. Toutefois, on s'étonne de l'opposition entre appartenance ecclésiale et engagement militant, acte que recommande le magistère romain. Ce n'est pas l'entrée en politique qui a incité une génération à déserter les églises.

 

Après quoi, le journaliste nous sert le couplet, entendu, de la grande famille Église qui ne peut souffrir les divergences. « L'Église catholique ne se réduit pas à ce genre de division droite/ gauche mais il faut reconnaître que cette fracture a été comme dans aucun pays, un facteur de division et d'exclusion en particulier pour ceux qui ne pensaient pas comme il fallait. Il était en effet de bon ton d'être progressiste et très mal vu d'être un catholique de droite. »

 

Ce temps de la gauche triomphante dans les presbytères, qui semble avoir marqué le blogueur, commence à dater. Et le pontificat de Jean Paul II, à travers des promotions épiscopales choisies parmi les prêtres les plus conservateurs, a fait le nécessaire pour que le spectre d'une Église de France à la solde de Jacques Gaillot et ses sbires reste de l'ordre du fantasme.

 

Jean-Marie Guénois se réjouit donc d'apercevoir, enfin, la disparition du catholicisme de gauche, « cette idéologie » qui« a miné la pastorale de l'Église pendant des décennies ». C'est bien connu, le catholicisme de droite qui triomphe à Madrid ne relève pas du vilain vocable d'« idéologie ». Notre Église a donc survécu aux prêtres à col roulé qu'on appelait par leur prénom et qui – c'est vrai - étaient davantage enclins à la convivialité qu'à la catéchèse.

 

Il nous le précise, notre journaliste a envoyé son texte « dans l'avion de Benoît XVI qui nous conduit à Madrid. ». A 10.000 mètres d'altitude entre Rome et Madrid, inspiré par la présence à quelques mètres du Saint-Père, telle est donc la meilleure place pour rayer en quelques lignes un pan majeur de l'histoire religieuse française.

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8 juillet 2011 5 08 /07 /juillet /2011 10:03

 

Et si le mode de vie des monastères permettait de résoudre quelques soucis de gestion des ressources humaines de la hiérarchie catholique ?

Il est un domaine dans lequel l’Église catholique romaine est mal placée pour donner des leçons : la démocratie interne. Nous ne reviendrons pas ici sur l'essence divine de l’Église qui place toutes les décisions de choix de personnes sous la responsabilité de l'Esprit, lequel ne saurait se tromper. Le jésuite Paul Valadier a autrefois très bien abordé la question dans un article d’Études en février 1998 . Seuls les évêques (pour les conciles) et les cardinaux (à l'occasion des conclaves) peuvent exprimer un choix majoritaire. Ordinairement le pape, les évêques et les curés sont maîtres chez eux, ne rendant des comptes qu'au dessus d'eux, jamais en dessous

Et pourtant. Tous les historiens sérieux affirment que l'élection au suffrage universel a été instituée par les moines. Souvent citée comme pionnière, la démocratie grecque excluait les femmes, les esclaves et les étrangers. Depuis plus d'un millénaire, dans les couvents et monastères, à l'heure d'élire l'abbé ou le prieur, chaque voix compte. Et la sagesse du groupe ne met apparemment pas en cause la bienveillance de l'Esprit qui guide chacun dans la prière.

Dans le cadre de sa série estivale « Dans le silence des abbayes », Pèlerin magazine du 7 juillet fait découvrir à ses lecteurs l'abbaye cistercienne d'Aiguebelle. Dans les portraits des figures majeures du lieu, une réalité étonne : le Père abbé et le prieur, les deux chefs, affichent respectivement 47 et 42 ans. Contrairement à la hiérarchie ecclésiale, et à nombre de structures profanes (1), l'ancienneté n'est pas pas privilégiée pour assumer un poste important. Faut-il s'en étonner, les moines ont choisi des responsables dans la force de l'âge, ni usés, ni aigris, pleinement en phase avec leur époque.

Il faut dire, autre spécificité monastique, que les mandats sont temporaires, et que dans la vie religieuse, une fonction n'engage pas dans une carrière laquelle ne saurait qu'être ascendante. Il est tout à fait normal de redevenir un moine lambdaaprès avoir été le berger du groupe, et un ancien abbé s'accommode fort bien de retourner en cuisine, une fois sa tâche achevée.

Fort de la grâce de l'ordination, un évêque au contraire ne se verra jamais plus confié un rôle de simple prêtre. S'il reçoit la mitre à 45 ans, il ne pourra durant les 30 ans de sa vie active que stagner ou grimper dans la hiérarchie, quelles que soient ses capacités ou ses envies. Aussi les erreurs de casting du Saint-Siège - la Congrégation pour les évêques - sont redoutables, car sans issue satisfaisante. Ainsi, en France, un évêque, jeune encore, occupe actuellement des fonctions de curé, tout en gardant son rang épiscopal. Une situation qui ne doit être agréable ni pour lui, ni pour ses collaborateurs. La sagesse monastique aurait dû nous prémunir de ces soucis.

Longtemps jalouse du prestige des moines - au point que les prêtres ont souhaité se faire appeler « Abbé » - , la hiérarchie « ordinaire » de l’Église n'a jamais cru bon d'en adopter les coutumes démocratiques. On peut le regretter. Cela aurait rendu l'institution catholique plus humaine, plus en phase avec la réalité d'aujourd'hui, et, sans doute, plus efficace. Sauf à défendre que ce dernier caractère relève à 100 % du Très-Haut et que le travail des créatures que nous sommes ne compte pour rien.

(1) On pense bien sûr en premier lieu au monde politique.


 

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6 juillet 2011 3 06 /07 /juillet /2011 19:01

PieXII

 

Un miracle s'annonce et la cause de béatification du pape de la Seconde guerre renaît. Et si on parlait de l'autre Pie XII et de sa vision de l’Église ?


 

Pie XII est de retour. Eugenio Pacelli, pontife de 1939 à 1958, n'a jamais cessé d'occuper le devant de la scène. Dans la tendance actuelle à canoniser tous les papes - remise au goût du jour cette année -, sa cause redémarre. Depuis décembre 2009, il est en effet « vénérable » et Benoît XVI ne serait pas contre en faire un bienheureux. Coup de chance, on vient de lui trouver un miracle, condition sine qua nonpour toute béatification.

 

Rien n'est encore officiel, mais Maria Esposito, institutrice du sud de l'Italie, affirme devoir la rémission inexpliquée de son cancer à Pie XII. Celui-ci serait apparu en rêve à son mari et la patiente l'avait imploré. Les deux médecins mandatés par l'évêque local ont évoqué l'hypothèse - plus prosaïque - que la chimiothérapie fut au moins aussi décisive dans l'amélioration de l'état de la malade que l'intervention céleste d'Eugenio Pacelli. Le dossier de miracle a été ajouté au dossier, dont le postulateur, le jésuite Peter Gumpel, reste prudent,

 

La décision de béatifier Pie XII sera bien moins liée à ses interventions de l'au-delà qu'à des considérations politiques. Le rôle qu'aurait joué Pie XII face à la Shoah demeure le nœud du dossier. Pour ses détracteurs, il n'aurait rien fait ou dit pour empêcher l'élimination massive des juifs d'Europe. Pour ses défenseurs, on lui doit de nombreux vies sauvées en Italie et une prise de parole plus forte aurait provoqué plus de dégâts que de gains. Le débat demeure, compliqué par les difficultés diplomatiques entre le Saint-Siège et l’État d'Israël. Le vent est plutôt favorable aux défenseurs du pontife.

 

Dans le processus de reconnaissance de Pie XII, tout le monde oublie que le pape ne fut pas à la tête de l’Église seulement durant ses années sombres. Il fut aussi le pape de l'après-guerre. Et son bilan laisse peut être plus à désirer que son comportement face à la Shoah. Il s'efforça de renforcer le pouvoir pontifical, écrivant « la volonté des souverains pontifes n'est plus à considérer comme question libre entre les théologiens » (1).

 

Il revint en arrière sur la reconnaissance des vertus des méthodes historiques d'exégèse « beaucoup trop libres pour interpréter les Livres historiques de l'Ancien Testament ». Ce pape fondamentaliste ne supportait pas les remises en cause de l'historicité biblique. Pensez donc, toucher à l'existence d'Adam mettait en péril le péché originel. Teilhard de Chardin et toute l'école des jésuites de Lyon-Fourvière, dont le futur cardinal de Lubac, ont subi les foudres du Vatican d'alors.


En 1954, Pie XII signa l'arrêt de mort de l'expérience, aventureuse mais originale et prometteuse, des prêtres-ouvriers avec un raisonnement étonnant : « S'il faut choisir entre l'efficacité apostolique et l'intégrité sacerdotale, je choisis l'intégrité sacerdotale » (2). Mieux vaut des prêtres ensoutanés dans leur sacristie qu'auprès des hommes, afin de défendre « le sacerdoce tel que le Christ l'a établi ». Car Jésus, c'est notoire, a interdit à ces apôtres de vivre avec le peuple.

 

En ces temps de guerre froide, la peur du communisme primait sur toute considération pastorale. Cette funeste année 1954 fut également celle de la béatification de Pie X (pape de 1903 à 1914), le pourfendeur des idées modernistes.


Soyons honnête, le pape Pacelli eut quelques bonnes intuitions comme l'ouverture aux peuples colonisés, dont il a ordonné les premiers évêques indigènes. Pour lui, l’évangélisation ne signifiait pas la transplantation des formes de culture des peuples d’Europe dans les nations nouvelles. Sans aller jusqu'à l'idée d'une « Église, peuple de Dieu », avancée par Vatican II, il encouragea la participation active des fidèles à la messe.


Bref, il est grand temps que le bilan critique de son pontificat long et difficile dépasse la question, légitimement obsédante, du génocide juif. Et que l'on se demande si ce pape, qui ne fut ni le salaud indifférent que prétendent certains, ni le gardien du temple irréprochable qu'invoque d'autres, mais un homme d’Église de son temps, avec ses ombres et ses lumières.

 

  1. Encyclique Humani generis, août 1950

  2. Lettre aux cardinaux français, 4 novembre 1953

Pour les faits et méfaits du pontificat de Pie XII, je me suis appuyé sur l'excellente étude de l'historienne Martine Sèvegrand, parue dans « Témoignage chrétien » en novembre 2010.

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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 06:41

 

Le fameux tweet de Benoît XVI est un coup de communication à l'image de la maîtrise approximative des réseaux sociaux par le Saint-Siège.

 

pope-ipad-first-tweet.jpg 

 

Le 28 juin, Benoît XVI a tweeté ! La belle affaire ! En fait, l'homme que l'on sait peu versé dans la high tech s'est laissé convaincre par ses conseillers qu'il fallait une image forte pour assurer la promotion de l'ouverture du nouveau portail d'information du Vatican news.va

 

On lui a dit : « Votre sainteté, appuyez là, et souriez devant les photographes ». Depuis, le petit monde des communicants catho s'extasie, imaginant le début de la conversion numérique du pontife. Les médias non-confessionnels ont relayé l'image cocasse. Il convient pourtant de ce méfier d'un tel effet. Quand vous jouez, il faut apprendre et accepter les règles.

 

Il y a plusieurs années, les trompettes vaticanes avaient clamé que le Saint-Siège était à la page en créant une chaîne sur youtube, le must de la communication auprès des jeunes. Ces infos, le flux des sorties publiques du pape, n'avaient pas de quoi exciter la toile, par nature méfiante vis-à-vis des messages institutionnels. Surtout, par peur du débat, les concepteurs du projet avaient empêché les commentaires des internautes. La bonne idée de départ était condamnée au flop.

 

Celles et ceux qui se contentent de la communication descendante du Vatican savaient trouver les images proposées sur les sites officiels déjà existant. Les autres, le public visé, se sont vite détournés de ce contre-sens.

 

Avec Tweeter, Benoît XVI va au devant d'un autre raté. Le principe du site de micro-blogging est de faire circuler l'information, d'en produire, de choisir qui on lit, d'avoir accès aux adresses suivies par chacun, de réagir... Or il est évident que le pontife lui-même n'a pas et n'aura jamais de compte tweeter. Comme nombre d'institutions, le Vatican se contentera d'utiliser ce canal pour faire passer ses informations, guettant le nombre de ses abonnés.

 

La force de tweeter tient dans deux mots : concision et réactivité. La règle des 140 signes et l'immédiateté, avec leur perversité évidente, sont en contradiction flagrante avec la culture du St-Siège et le temps de l'Eglise. Quand ils ont dans les mains un texte de 4 pages après 6 mois de travail, les vaticanistes s'émerveillent que le pape ait été bref et rapide...

 

Alors à quoi bon, pour Rome, faire croire qu'on utilise un tel outil ? Vouloir faire branché à tout prix ? Le pape veut montrer sa proximité avec la modernité en tentant d'évoluer sur la forme de sa communication. Pour vraiment entrer en lien avec notre époque, il devra progresser encore.

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4 juillet 2011 1 04 /07 /juillet /2011 20:04

En ordonnant deux prêtres, l’évêque de Vannes Mgr Centène a expliqué sa vision du père du XIXe siècle. Avant que la méchante modernité ne s'abatte sur la pauvre Église.

 

Le 19 juin dernier, en sa cathédrale de Vannes, Mgr Raymond Centène a eu la joie de procéder à deux ordinations presbytérales. Il en a profité pour indiquer aux nouveaux venus ce qu'il attendait d'eux dans notre monde apocalyptique. Notamment, comment devenir Père, quand la figure paternelle a été malmenée « sous les coups de boutoir de la critique psychanalytique, marxiste et individualiste ».


L'évêque est bien sûr le mieux placer pour évoquer les tourments des pères de familles d'aujourd'hui. Mais voici que les papas ne sont pas les seuls à subir les assauts de cette modernité malfaisante. « Cette crise touche aussi l’Église dans ses profondeurs » pour Mgr Centène, qui cite deux périls.

 

Le premier «  la critique systématique du Pape et de l’Institution » montre que la notion d'opinion publique libre n'est pas encore parvenue sous la mitre de notre évêque. Plus loin, il exhortera ses nouveaux prêtres, et l'assemblée avec, à ne pas suivre « ceux qui sont à l’affût des rides et des flétrissures (de l’Église). C’est toujours le prélude à l’infidélité. » La menace est glaçante pour ceux qui croit encore à un grand principe de vie communautaire : la correction fraternelle.

 

Mgr Cantène, qui n'a sans doute jamais lu « Fidèle rebelle » du regretté tribun dominicain Jean Cardonnel, ignorerait-il que seuls ceux qui aiment vraiment l’Église s'appliquent à la tancer, ne supportant pas ses dérives et ses aveuglements qui lui font tant de tords. Les méchants mécréants, « psychanalytiques, marxistes et individualistes » de tout poil n'en ont que faire des tourments de l'institution !


La deuxième menace évoquée par l'évêque de Vannes est plus subtile : « une sensibilité religieuse qui tend à s’arrêter à la nature humaine du Christ historique et à limiter l’Évangile à un message de transformation sociale ». Cet aspect est bien réel. Il dénote un attrait pour le personnage du Christ, pour sa radicalité, plus facile à appréhender que sa filiation divin.

 

On pourra rétorquer à la plainte de l'évêque que si notre époque ne retient de Jésus de Nazareth que son discours de « transformation sociale », ce n'est déjà pas si mal, à l'heure où l'individualisme paraît triompher chez ceux qui nous gouvernent. Dans les héros modernes du catholicisme, chez l'abbé Pierre ou sœur Emmanuel, le bon peuple apprécie davantage l'action de terrain que la spiritualité qui la nourrit. Il faudrait vous faire une raison, Monseigneur...


On pourra en douter en écoutant de dernier évoquer le style de comportement qu'il assigne aux deux impétrants. Car, il faut le savoir, pour « désembrumer » (sic) l'image du Père, certains « types de familiarité » sont à prescrire. Tous les pères le savent, trop de familiarité tue l'autorité, et l'abus de câlins mène tout droit à la délinquance juvénile.

 

Voici donc la mise en garde terrible adressée aux deux héros de l'ordination. « Se faire appeler par son prénom, se laisser tutoyer et claquer la bise à toutes les filles de la paroisse relève davantage du syndrome d’une adolescence prolongée que d’une paternité responsable et assumée ». Voilà qui est sympathique pour les prêtres, nombreux, qui s'adonnent à ces pratiquent désordonnées (1).

 

En se faisant donner du« Monsieur l'Abbé, vous », les deux nouveaux vont avoir beaucoup de succès avec la jeune génération comme auprès des laïcs avec qui ils vont devoir travailler (on n'ose dire collaborer). Comme il semblerait que Mgr porte en peu d'estime la caste des psys, ces derniers ne pourront donc guérir ses ministres de leur syndrome post-adolescent.

 

Il reste à espérer que les formateurs du séminaire étaient sur la même longueur d'onde que le prélat. Quand à la peur de la « bise claquée », elle pourrait faire penser que le plus serein dans sa chaste paternité n'est peut-être pas celui qu'on croit.


Souhaitons donc bonne chance aux deux nouveaux prêtres que le Christ a appelés pour le diocèse de Vannes. Qu'ils trouvent leur chemin entre les malédictions annoncées par leur évêque et les réalités de la vie pastorale qui leur apportera, on leur souhaite, beaucoup de joie.

 

 

  1. Adjectif utilisé par Rome pour parler des relations homosexuelles

 

Homélie complète de Mgr Centère, sur le site du diocèse de Vannes


 

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  • : Le blog de cathoreve
  • : Philippe Clanché, journaliste religieux, collaborateur de Nouvelle Cité, Témoignage chrétien, Réforme ou La Vie. Au menu : émergence d'un catholicisme ouvert, décoincé et qui puisse parler à notre temps. Bon appétit. On peut me suivre sur Twitter : @pclanche
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