La presse en a fait ses choix gras le week-end dernier. L’Église protestante unie de France (ÉPUF) autorise ses pasteurs à bénir les mariés de même sexe. Après un très long processus de réflexion, entamé bien avant le débat politique sur le mariage homo, le synode de cette instance qui fédère les réformés et les luthériens de la France de l'intérieur (hors Alsace-Lorraine) a voté à une très large majorité pour cette évolution.
Seule jusqu'alors au sein de la Fédération protestante, la Mission populaire évangélique de France, branche sociale et très engagée, avait franchi le pas (voir leur note de 2014). L'an passé, l'Union des Églises protestantes d'Alsace et de Lorraine (UEPAL) a choisi de surseoir à toute décision sur la question.
Il est intéressant de voir comment le synode de l'ÉPUF a organisé son travail. L'évolution s'inscrit dans le cadre plus général d'un travail sur la bénédiction. Dans le texte de la décision adoptée (à retrouver ), on peut lire que l'ÉPUF « reçoit avec humilité et confiance cette mission d’être témoin de l’Évangile dans l’accompagnement des personnes et des couples. L’accueil de toutes celles et tous ceux qui s’adressent à elle et les gestes de bénédiction qu’elle peut offrir de la part de Dieu, sont autant de façons de dire la bonne nouvelle de son amour premier et de relayer son appel à vivre en relation avec lui ».
Pour les luthéros-réformés français, « bénir, c’est offrir un signe et une parole qui disent l’amour de Dieu et sa présence ; ce n’est pas faire un acte magique qui contraindrait Dieu à nous être favorable ; ce n’est pas non plus signifier qu’il approuverait nos projets ». Il s'agit de reconnaître et d'accompagner des hommes et des femmes et de signifier que Dieu les aime quel que soit leur chemin.
Ce n'est qu'après une longue étude du sens de la bénédiction que le document affirme que « le synode ouvre la possibilité, pour ceux et celles qui y voient une juste façon de témoigner de l’Évangile, de pratiquer une bénédiction liturgique des couples mariés de même sexe qui veulent placer leur alliance devant Dieu. »
Il ne s'agit pas pour les luthéros-réformés de céder à l'air du temps, ni de répondre sous la pression des demandes de couples de même sexe. Les raisons premières de ce choix sont à trouver dans les premiers mots de la décision votée : « Comment accompagner nos contemporains au plus près de leurs existences, dans leurs joies et dans leurs peines, dans les chemins qu’ils choisissent et ceux qu’ils subissent, dans leurs alliances et leurs séparations, pour leur permettre d’entendre une bonne nouvelle qui donne sens et saveur à leur vie tout entière ? »
Le texte précise que la question « s’inscrit dans la volonté de l’ÉPUF d’honorer sa vocation à témoigner de l’Évangile ». On pourra trouver dans les termes choisis – les joies et les peines – un écho lointain mais savoureux, à la célèbre constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican II (1965). Un texte marqué par une volonté d’évolution de la présence aux hommes et aux femmes dans les réalités du temps.
Histoire de déminer par avance les effets diplomatico-ecclésiaux de ce choix, le texte insiste sur la nécessaire communion à maintenir en interne – il n'y a pas d'unanimité au sein de l'ÉPUF - comme « dans le dialogue avec les autres Églises, notamment au sein de la Fédération protestante de France ». Cette communion demandée se base « sur notre commun enracinement en Jésus‐Christ, notre Seigneur et Sauveur, par‐delà les pratiques différenciées dans l’accueil et l’accompagnement des personnes et des couples ».
Cet aspect a échappé aux responsables du Conseil national des Évangéliques de France (Cnef), lesquels ont jugé la décision « consternante ». Le court communiqué (à lire ) est sans appel, dénonçant la bénédiction d'une pratique « condamnée sans équivoque par la Bible » et fustigeant la promotion d' une « grâce à bon marché bien éloignée de l’Évangile de Jésus-Christ et de ses exigences en matière d'éthique de vie ». Le CNEF accuse l'ÉPUF de « faire de la bénédiction un simple accompagnement de la volonté des personnes demandeuses au lieu d’en faire une occasion pastorale de découverte, avec elles, de la volonté de Dieu. »
Ceci sous-entendant que l'accompagnement exclue la découverte. Et, plus étonnant encore, qu'un pasteur est capable de connaître la volonté de Dieu sur le projet d'une personne. Ce qui paraît bien présomptueux.
Enfin pour le CNEF, qui rappelle que les évangéliques représentent 70% des pratiquants réguliers du protestantisme français, le vote du 17 mai « marquera de façon négative les relations qu’elle (l'ÉPUF) entretient avec les protestants évangéliques et compliquera aussi les relations avec les autres Églises ».
Pour les autorités catholiques, la question du sacrement de mariage pour les couples de même sexe relève aujourd'hui de le science fiction. Mais l'idée d'un geste ecclésial mérite d'être creusée (1). Cela éviterait les bénédictions clandestines, pratiquées ça et là en toute discrétion, Une réalité que ne connaîtront plus les luthéros-réformés de France.
(1) Il existe des rituels pour les champs, les troupeaux ou les bâtiments...